Attribution : pourquoi le modèle du « last click » perdure
16/04/2019 |
Alors que le parcours client devient de plus en plus complexe à lire, omnicanal oblige, la mesure de l’attribution, elle, reste encore largement centrée sur le « last click ». Et pour des raisons qui ne sont pas seulement technologiques…
Paradoxe : alors que l’univers de la publicité digitale semble friand d’innovations technologiques, à l’instar de celles qui donnent corps au programmatique ou encore au DCO (Dynamic Creative Optimization), un enjeu semble pourtant délaissé, celui de l’attribution. Un paradoxe puisqu’il s’agit ni plus ni moins que d’identifier les leviers les plus efficaces pour investir les 4,094 milliards que représente par exemple en France en 2017 le marché de la publicité digitale.
Mes publicités sont-elles vraiment vues ? Quels sont les canaux (search, display, affiliation…) les plus efficaces ? Mes partenaires sont-ils rémunérés à la juste valeur de leur contribution ? Comment arbitrer mon mix marketing pour optimiser mon budget publicitaire ? C’est à ces questions que la mesure de l’attribution est supposée répondre. Par défaut, c’est la règle – ou plutôt la vieille habitude – dite du « last click » qui domine, laquelle consiste à attribuer au dernier point de contact le mérite d’une conversion. Problème : avec le développement de l’omnicanal, cette attribution au « last click » devient de plus en plus biaisée. C’est tout particulièrement le cas pour les annonceurs qui investissement massivement sur le mobile…
Quand l’omnicanal complique la donne
« L’attribution a été un très gros enjeu en 2017. Le sujet reste en 2019 un caillou dans la chaussure, confie à Petit Web Anne Browaeys, Directrice Générale Marketing, Digital & Technologies du Club Med. Nous avons des modèles d’attribution (…) Différentes mesures omnicanales nous montrent que le mobile est très contributeur à la conversion. Néanmoins, quand on pilote des campagnes au jour le jour et qu’on utilise des outils d’optimisation de bidding en achat de mots clés, la tendance naturelle est de regarder le dernier clic, et là, c’est très défavorable au mobile. » Problématique pour un annonceur dont les investissements publicitaires sur le mobile sont passés de 16 à 64% de son budget total…
Sans surprise, le Club Med est loin d’être un cas isolé. Toutes les marques aux prises avec un parcours omnicanal de leurs audiences sont confrontées aux limites de leurs modèles d’attribution. La faute à la technologie ? En partie sans aucun doute car la donne est complexe : pas simple par exemple de réconcilier des parcours composés de sessions web, sur desktop et mobile, et de connexions aux apps mobiles. Et sur ce sujet comme pour d’autres, les adblockers et l’Intelligent Tracking Prevention d’Apple compliquent encore la donne. Comment évaluer dans ce contexte le poids des canaux qui jouent le rôle « d’initiateur », « d’influenceur » ou de « buteur » ? Des modèles algorithmiques (comme les chaines de Markov) apportent des réponses mais ne changent pas radicalement la donne. L’outil nourrit la décision mais ne peut à lui seul décider…
Un silotage organisationnel qui nuit au pilotage global de la performance
Comment prendre les bonnes décisions pour, par exemple, rationaliser les budgets et générer autant de conversions avec moins de points de contact ? En essayant de répondre à ces questions, les marques comprennent que le principal obstacle à une attribution plus cohérente avec le réel n’est pas seulement de nature technologique mais aussi organisationnel. Pour une raison simple : les équipes sont organisées – et incentivées – par canal (SEO, SEM, Social, Display…) ce qui complique sérieusement le pilotage global de la performance.
Les conséquences de ce silotage organisationnel sont connues : les effets de résonnance sont ignorés (le fait que de multiples vues sur un canal prépare la conversion sur un autre canal) tandis que les conversions sont démultipliées, plusieurs canaux s’attribuant une même conversion. Un sujet traité via la déduplication qui consiste surtout dans la pratique à commissionner les partenaires à la performance pour éviter de se voir facturer deux ou plusieurs fois les mêmes conversions. En clair, les contrats sont revus mais le cœur du sujet, la mesure de l’attribution, demeure déconnecté du réel.
Comment renouer, justement, avec le réel pour, pas à pas, se donner les moyens de faire évoluer son modèle d’attribution ? L’histoire commence ici avec un bon partage de l’information : donner à tous, quel que soit son « canal d’attache », une vue globale de la performance, cross-canal (étendue au monde physique, des magasins par exemple) et cross-devices, partager des objectifs de trafic et de conversion, recevoir les mêmes alertes pour croiser les regards et identifier les causes plus finement… C’est sur ce socle commun que les modèles peuvent être testés et ajustés pour réconcilier la mesure de l’attribution avec le réel. Et mettre de côté, enfin, la vieille pratique du « Last click ».